Loin des yeux – loin du cœur

Kristina Jensen, L’Écho de Cantley, septembre 2011

Depuis longtemps avant la création de Cantley en tant que municipalité, les résidents se battent pour empêcher l’installation d’un dépotoir. La discussion portant sur les déchets traine depuis des décennies, mais n’a rien à voir avec un language de ghetto. Nous discutons des périls qu’il y a à vivre près de vrais déchets. Dans sa vie précédente, quand Cantley n’était qu’une bourgade de la ville de Gatineau, le Conseil du jour avait décidé qu’en plus d’avoir le privilège de payer pour les services d’une grosse ville dont ils ne bénéficieraient jamais, les Cantléens pouvaient également accueillir le dépotoir de la région.

 

Nous n’étions pas pour l’accepter!

 

Des groupes de braves citoyens ont protesté en nombres, tels qu’ils ont surpris tout le monde, y compris les organisateurs. La première démonstration a eu lieu au printemps 1987, sous la forme d’une parade paisible le long de l’autoroute 307. Elle a été suivie par d’autres évènements, dont la marche populaire de « ce qui est bon pour un, est bon pour tous » lorsque le maire de Gatineau s’est vu livrer des sacs de déchets sur les marches de l’Hôtel de ville. Pour appuyer l’aspect cérémonial de leur protestation, les citoyens ont enchainé en créant un compte en fiducie où ils déposèrent leurs taxes municipales au lieu de les envoyer à la ville, espérant ainsi que les pressions sur la bourse de la ville la forcerait à écouter leur point de vue.

 

Na Na Na Na Good-bye

 

Les résidents sont allés voter le 24 mai 1987 pour un référendum non-officiel concernant l’avenir de Cantley. Les gens ont parlé clair et net. Une majorité de 97 pourcent des voteurs ont indiqué leur préférence pour l’autonomie. À l’automne de la même année, le gouvernement provincial a estimé que le sujet était assez important pour y assigner trois commissaires pour examiner la situation. Les résultats, divulgués en février 1988 devinrent le Rapport Giles, qui donnait beaucoup de validité au cas de Cantley, a donné un élan qui a attiré l’attention du candidat Libéral, Michel Gratton, qui devint par la suite le champion de la cause. M. Gratton a été élu dans la circonscription de Gatineau de 1972 à 1985, tenant différents rôles de cabinet, sous les gouvernements de Daniel Johnson et de Robert Bourassa. Les citoyens étaient jubilants, au printemps 1988, lorsque M. Gratton a annoncé que le gouvernement de M. Bourassa avait accepté les recommandations du Rapport Giles. Un référendum officiel a été tenu en septembre 1988 et par la suite est devenue historique. Cantley est devenue une municipalité pouvaient indépendante le premier jour de l’an 1989.

 

Dommage collatéral

 

Depuis ce temps, les activistes environnementaux locaux ont travaillé d’arrache-pied pour faire fermer le dépôt des matériaux secs. La foule de protestataires a diminué graduellement et quelques-uns seulement sont restés dédiés à cette croisade. Bob et Sue McClelland, Serge Galipeau et Christine Landry sont les membres notoires de ce groupe, et ils ont investi une petite fortune pour entreprendre des mesures légales contre les propriétaires du dépôt. De plus, Guy Legault, qui vit tout près du site, y a perdu la santé à la suite d’une série de maladies respiratoires, attribuables facilement aux niveaux toxiques des sulphides d’hydrogène toujours présents dans l’air. La valeur des propriétés dans le secteur a chuté considérablement pendant que les niveaux de stress ont monté en flèche. Pour la plupart d’entre nous, nos propriétés sont notre plus gros investissement. De voir cet investissement ruiné n’est pas facile à avaler. Mais tous ces malheurs vécus sont passés inaperçus par les gens au pouvoir.

 

Tigres de papier

 

Si cela n’avait été de la détermination de ce groupe, Gilles Proulx et Denzil Thom seraient probablement encore en train d’opérer le Dépôt de Matériaux Secs de Cantley, même si entre les années 1990 et 2006, les inspecteurs provinciaux ont visité le site 103 fois, rapporté et enregistré au moins 45 offenses. La montagne de rapports ne donnaient pas grand-chose car la province ne semblait avoir aucun pouvoir contre les propriétaires du dépotoir.

 

Déchets qui entrent, déchets qui sortent

 

Par exemple, un rapport d’inspection de Mars 2001 rapporte la présence sur le site de plusieurs matériaux formellement défendus tels que plastiques et contenants d’huile. Les propriétaires du dépotoir ont également omis de produire un plan de gestion annuel qui était dû en juillet 2000. Cette gestion nonchalante du site s’est échelonnée sans interruption pendant des années, à l’exception de quelques contraventions totalisant environ 12,000 $ et ce, jusqu’au jour de Noël 2004, quand les résidents du voisinage se sont plaints des odeurs fortes. Ceci fut le début du Grand Feu.

 

Les dessous de tout ça

 

Le 31 janvier, un feu qui avait couvé sur le site pendant plusieurs jours, s’est finalement déclaré. Thom et Proulx ont été sommés par un enquêteur provincial à éteindre les flammes sur le site en les couvrant avec du sable. Une équipe appelée sur les lieux a creusé avec des pelles mécaniques, a fait des découvertes macabres. Ils ont découverts un nombre d’items défendus enfouis sur le site, tels que des pneus, ce qui prouvait que les propriétaires du site avaient des méthodes de gestion douteuses, entre autre l’arrosage d’eau sur le dépotoir, pour essayer peut-être d’enrayer les odeurs.

Les pompiers volontaires, mal équipés pour gérer un tel désastre, ont risqué leur vie et leurs membres lorsqu’ils ont bravement pénétré sur ce site toxique et essayé d’éteindre les flammes. Les niveaux de sulphide d’hydrogène étaient extrêmement élevés et toxiques. Les voisins furent évacués. Le feu a brûlé pendant des semaines. Cantley faisait la une des journaux, et ce pour les mauvaises raisons.

Longtemps après que les caméras ont quitté les lieux et que les flammes se sont éteintes, les activistes locaux ont continué à se battre pour faire fermer le dépotoir une fois pour toutes. La Municipalité s’est impliquée, ce qui a ajouté de la force à la bataille. Le ministère de l’Environnement du Québec a révoqué le permis du dépotoir en septembre 2006, après avoir envoyé des avis aux propriétaires les avisant des violations environnementales. En octobre, un tribunal administratif a décrété que le dépôt des matériaux secs pouvait rester ouvert pendant que les propriétaires allaient en appel pour la résiliation de leur permis. Le dépôt fut finalement fermé – pour de bon, en 2007, mais pas avant que les Cantléens investissent beaucoup de sang, sueurs et larmes.

Après que Thom et Proulx ont poursuivi Serge Galipeau et Christine Landry, ce couple pacifique devenu porte-parole des citoyens de Cantley et qu’ils furent frappé d’une Action Légale Stratégique contre la participation publique. Ils se sont alors embarqués dans une odyssée légale très coûteuse qui a été réglée récemment en leur faveur par la Cour Supérieure du Québec. Un moyen de dissuasion mineur pour les propriétaires de la compagnie qui ont joué avec la loi. Une récompense minime pour Serge et Christine après ce qu’ils ont enduré…

 

Avançons à 2011

 

Maintenant, tout ce qui reste est le nettoyage des dégâts. En Octobre 2010, le Ministre du Développement durable, de l’Environnement et des Parcs a pris le site en charge, après avoir essayé de rendre les propriétaires responsables de leurs actions. Le Ministère a émis un Appel d’Offres pour réhabiliter le site, au frais des contribuables bien sûr. À date, rien n’a été annoncé.

Lorsqu’il a été contacté par l’Écho, le représentant régional pour l’Outaouais au Ministère du Développement durable, de l’Environnement et des Parcs, M. Christian Perron, a confirmé que la compagnie Génivar a eu le contrat pour la première portion des travaux. Genivar est responsable de préparer les plans et devis pour une réhabilitation définitive du site. Les documents qui seront préparés par Genivar serviront de base pour le 2e  appel d’offres qui ne se concrétisera pas avant l’automne 2011, quand le ministère choisira la compagnie qui fera les travaux. Ces travaux vont comprendre le nivellement du site, l’installation d’une membrane sur certaines parties du site et la capture adéquate des gaz sous-terrains. Donc, en principe, rien ne devrait se produire avant le printemps 2012. Entre-temps, les gaz empoisonnés continuent d’empester l’air et d’être emportés par le vent vers notre village. Est-ce que c’est acceptable ? Si vous pensez que la réponse est un vibrant « NON » eh bien, faites-vous entendre. Écrivez à votre ministre provincial responsable de notre environnement et faites-leur savoir.

classé sous : Non classé