Une société égalitaire, dites-vous ?

Hélène Ouellette, L’Itinéraire, Montréal, le 15 mai 2011

Comment une société qui se prétend égalitaire et qui dit traiter hommes et femmes de la même façon peut-elle vouloir la décriminalisation du commerce sexuel ? C'est, pour moi, aussi contradictoire qu'une société démocratique qui veut légaliser l'esclavagisme !

Je viens tout juste de rentrer chez moi en ce samedi soir 19 mars. J'ai eu la chance de participer à un Tribunal populaire sur l'exploitation sexuelle commerciale organisé par la CLES (Concertation des luttes contre 1'exploitation sexuelle). L'événement a eu lieu du 18 au 20 mars à l'Université du Québec à Montréal.

Le tribunal populaire est un outil formidable de prise de parole. En effet, il permet aux personnes qui y assistent de s'informer, de s'exprimer, de témoigner et de participer activement tout en étant partie prenante aux décisions prises par vote.

Au banc des accusés : l'exploitation sexuelle commerciale, ainsi que ses nombreuses ramifications dans notre société : prostitution, pornographie, publicité sexiste, banalisation de la violence faite aux femmes, etc.

Le jury : douze femmes issues de divers milieux (universitaire, culturel, communautaire…). Et surtout : des femmes, survivantes de cette industrie, qui ont témoigné avec courage de leur vécu. Pour quelques-unes c'était la première fois qu'elles en parlaient ouvertement. Je dois souligner la présence de femmes de toutes origines culturelles, y compris de femmes autochtones, qui payent particulièrement cher la volonté de vivre librement dans notre beau Canada.

En après-midi, des ateliers constitués de petits groupes ont discuté de divers sujets ! tels que les impacts de l'industrie du sexe sur la sexualité de l'ensemble des femmes les jeunes et l'exploitation sexuelle commerciale et les agressions sexuelles et l'exploitation. À la suite de ces ateliers, des recommandations et des revendications ont été proposées, puis votées en assemblée. Ces revendications émises au tribunal seront acheminées aux instances politiques et sociales concernées. À ce tribunal populaire sur l'exploitation sexuelle commerciale, les participantes se sont massivement prononcées contre l'industrie du sexe !

J'en suis sortie accablée par toute la violence qu'ont à subir les femmes. Plusieurs de ces femmes en meurent ou vont en souffrir pour le restant de leur vie, aussi bien physiquement que psychologiquement. De plus, l'industrie du sexe engendre par son omniprésence des rapports sociaux malsains entre les individus.

Si notre société a vraiment la volonté d'anéantir le commerce sexuel des femmes, des filles et des garçons, je retiens, entre autres, deux des recommandations du tribunal : de mettre en place un revenu minimum garanti décent afin de ne pas permettre à qui se soit d'avoir à subir des exigences sexuelles des clients afin de survivre et, aussi, que ce soit les pimps, les entreprises du sexe et les clients qui soient pénalisés et non les victimes de ce marché. Là, je vous garantis que cette industrie va sérieusement décliner !

C'est à coup de pressions et de luttes que les femmes ont obtenu des reconnaissances sociales et économiques au cours du siècle dernier au Québec ! Légaliser ce commerce serait donc faire marche arrière, politiquement et socialement. En effet, ce serait l'équivalent de réaffirmer le fondement même de l'idéologie patriarcale, soit la violence faite aux femmes, leur statut de second ordre ainsi que celui des enfants.

Si notre société continue à tout banaliser passivement, seule la cigarette va être interdite !

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