Michel Blouin au Cercle

Normand Gagnon, Autour de l’île, l’île d’Orléans

C’est au cercle de la rue Saint-Joseph à Québec, que Michel Blouin nous a livré SCALP en février dernier, une collection de visages, certains figés dans l’introspection, d’autres ouverts, appelant le regard et la compassion, d'autres enfin nous disant la blessure intérieure ; mais tous sollicitant, à des degrés divers, la rencontre, comme « une invitation au rapprochement », moyennant, pour reprendre les mots du peintre, « une déchirure dans la barrière de nos peurs ». Le défi est lancé à l'observateur, là, sur les lieux et dans la vie en général, de savoir établir ce contact avec l'autre une fois reconnu chez cet autre des états d'âme qui sont aussi parfois les siens.

Le peintre appartient sans conteste à cette catégorie d'artiste qui cherche à exprimer des émotions et des sentiments de préférence à la représentation fidèle du monde visible. Ce qu'il traduit en maniant des formes et des couleurs à la façon des primitifs mais aussi en laissant libre cours à une symbolique du subconscient. Ce type d'œuvre exige un effort de la part de celui ou de celle qui l'observe, du fait d'une complexité qui oblige parfois à plusieurs relectures pour en dégager un sens. Mais pour qu'on y consente, l'œuvre doit d'abord avoir cette qualité de nous toucher, quels qu'en soient les motifs. Et les tableaux de Michel Blouin, indéniablement, touchent, parfois violemment.

Elle pose ce geste, familier aux humains, de rentrer la tête dans les épaules, de l’incliner puis d’y poser le bras en rabattant la main sur l’oreille. Un geste de protection dans l'attente d'un objet qu'on prévoit nous tomber sur la tête. Comment lire, autrement que pour constater l'inquiétude exprimée par le visage, cette conformation corporelle sinon en s'attardant aux motifs qui ornent la tunique ? Le vêtement est en effet un véritable « patchwork » parsemé de symboles parfois reconnaissables : humains esquissés, maison, soleil, arbre, poisson, etc. ; et de quelques mots dissimulés dans l'ensemble : pluie, ailes, loup, lunes, etc. Les pictogrammes et les mots ne renvoient-ils pas à l'angoisse d'une terre mère (lune et soleil) en danger ?

À la grande sensibilité de cette femme (lune) devant la menace lui gronde, face aux avertissements maintes fois répétés ? À cette responsabilité qu'elIe ressent de maintenir et d'entretenir la vie (louve) ? À cette identification à l'ange protecteur (aile) qui appelle au dépassement et à la libération de la gangue organique (arbre, poisson), à l'envol vers l’impérissable (pierre). Cette femme nous parle. Son seul masque est celui de son discours symbolique. Reste qu'elle semble pressée de se faire entendre, de faire comprendre l’urgence…

classé sous : Non classé