Jacqueline Guay, volontaire à l’aide internationale

Sylvie Gourde, Le Tour des Ponts, Saint-Anselme, janvier 2011

 
Du 20 septembre au 26 octobre 2010, Jacqueline Guay a vécu au rythme de la population de Mixco, communauté sise à quelque 60 km de Guatemala-Ciudad, la capitale du pays du même nom, en Amérique centrale. Volontaire pour la mission d'aide internationale de CAS/RA, Jacqueline revient emballée de cette expérience humanitaire d'emblée, on privilégie réel et le possible malgré des moyens de subsistance anémiques.
 

CASIRA

 
Voilà près de deux ans que Jacqueline se préparait «pour vivre le pays». L'occasion lui est fournie par l'intermédiaire du Centre Amitié de solidarité internationale de la région de l'Amiante (CASIRA), organisme mis sur pied, en 1982, par l'abbé Roger Fortin et deux collègues, alors qu'il était professeur d'espagnol et responsable de la Pastorale au Collège de Thetford Mines.
 
Natif de Sainte-Germaine Station, l'abbé Roger Fortin est vicaire à Saint-Léon lorsqu'il fait la connaissance des familles Guay, et Tanguay. Jacqueline a une quinzaine d'années à l'époque. L'abbé Fortin partage sa vie entre le Québec (22 années) et les pays en développement, dont douze années passées au Paraguay. C'est au milieu de ses populations pauvres qu'il prend conscience de la richesse des amitiés solidaires et de l'importance de créer des liens entre les gens d'ici et ceux d'Amérique latine. L'une de ses préoccupations majeures sera de faire bénéficier la population des régions riches d'une expérience de coopération en mettant à la portée du plus grand nombre la possibilité de réaliser des séjours dans les pays en développement.
 
De retour au Québec, en 1998, il décide de consacrer sa retraite au développement de CASIRA, organisme qui chapeaute les projets de solidarité AMISTAD Guatemala et AMISTAD Pérou-Bolivie-Paraguay. Il lance un appel à travers tout le  diocèse de Québec dans l'espérance de trouver dix à douze personnes de bonne volonté, désireuses de participer à cette première expédition.
 
À la veille du départ de la première session, près de 90 volontaires prévoient séjourner entre octobre 1999 et avril 2000. Depuis, les inscriptions pullulent et allongent la liste d'attente.
 
La première Caravane de l'amitié AMISTAD se met en branle le 6 octobre 1999 et transporte par voie de terre un premier contingent de 16 bénévoles qui traverse les États-Unis et le Mexique, par goût de l'aventure et surtout pour des raisons pratiques puisque les véhicules utilisés deux motorisés, deux camions et un minibus amènent le matériel nécessaire pour construire les infrastructures.
 
Les pionniers établissent ainsi les bases pour l'accueil des futurs bénévoles, l'organisation de la vie communautaire et la répartition des tâches. Tout est fin prêt pour travailler, en collaboration avec des organisations locales, à la prise en charge d'orphelins ou de jeunes de la rue afin de leur assurer un encadrement, une résidence et la possibilité d’apprendre un métier.
 
Lucette Tanguay de Saint-Léon, une cousine par alliance de Jacqueline, participe à la première cohorte et renouvelle depuis plus d’une décennie son engagement à la cause. Elle entraîne dans son sillage des dizaines de personnes des municipalités de Bellechasse et des régions avoisinantes. Jacqueline se laisse séduire par ce périple et assiste aux rencontres préparatoires. Voilà quelques années déjà qu’elle donne un sérieux coup de pouce à la collecte d’articles qui s’entasseront dans les conteneurs destinés annuellement aux missions de CASIRA. À l’automne 2010, son rêve se concrétise.
 

La mission

 
« J’aime ça, ça ne se peut pas », déclare spontanément Jacqueline. Issue d’une imposante fratrie de 21 frères et sœurs, Jacqueline se fond rapidement à la vie de groupe, calquée sur les valeurs familiales. Une rencontre préparatoire de trois jours a permis à chacun et à chacune de mieux se connaître avant le grand départ. Ils sont une trentaine d'hommes et femmes, plusieurs couples de différents âges, en provenance, cette fois-ci, de Saint-Anselme, de St-Gervais, de Saint-Charles, de Pont-Rouge, de la Beauce, de Portneuf, du Lac-Saint-Jean, de Sept-Des, de la Gaspésie … Les gens viennent de partout et le groupe se constitue au hasard des inscriptions. Les aillés sont pour la plupart des retraités; les plus jeunes affichent le début de la trentaine. Tous sont en quête d'une expérience de vie authentique, dans un total dépaysement et veulent laisser une empreinte concrète, à la dimension humaine. Le partage est exigeant, car il faut donner de soi et pas seulement des choses matérielles.
 
Des vêtements, des souliers pour enfants, des toutous; Jacqueline a rempli ses bagages. D'ailleurs, elle ne rapportera que les vêtements qu'elle porte sur elle. La plupart feront de même. «Nous avons déchargé un grand nombre de boîtes de biscuits offertes par les Biscuits Leclerc. Plus de 8 000 toutous seront distribués dans les diverses missions. Des petits cadeaux pour les enfants», révèle Jacqueline qui est saisie par l'extrême pauvreté qui sévit «Ils n'ont pratiquement rien, vivent dans des cabanes de tôles récupérées avec peu ou pas de meubles si ce n'est un poêle improvisé sur des roches et une grille rouillée. Les femmes lavent le linge à la rivière. Les enfants circulent pieds nus et on voit leur petit corps à travers leurs vêtements élimés.»
 
La vie du groupe s'organise dans la grande CASA (maison) où les participants sont répartis quatre par chambre. Le soir, quarante à cinquante personnes se serrent les coudes autour de la tablée. Les tâches ménagères, la cuisine, le lavage et le repassage sont accomplis au gré de chacun. Chaque soir, le partage des tâches est effectué pour le lendemain. Aux prérogatives de la vie domestique, s'ajoutent d'autres boulots. Jacqueline supervisera les travaux de rénovation de l'école, gardera des enfants cancéreux ainsi que deux jeunes filles sourdes et muettes, tamisera de la terre pour préparer du mortier, travaillera dans les champs de cannelle ou à la cueillette de citrons, fera des travaux de couture… Les occupations se déroulent au fil des· nécessités du jour, au rythme de chacun, selon les talents et capacités.
 
Les outils rudimentaires, l'absence quasi totale de mécanisation décomposent l'effort en gestes lents et patients. Les conditions de vie précaires ramènent l'existence au mode de la survivance. La persistance de la pauvreté aggrave les problèmes de santé, érode le tissu social des collectivités. Les enfants ne meurent pas tant des conditions d'hygiène, mais faute de nourriture. La violence et la menace de violence font partie de la sombre réalité d'un nombre incalculable de femmes et de filles.
 
Au fil des décennies, les actions des coopérants volontaires ont un impact direct et tangible dans la vie des personnes pauvres. .Un couple de Honfleur, Francine Marceau et son mari Jacques Bisson, ont parrainé, en 2005, la collecte et le transport de machines à coudre afin de créer un atelier de couture MAYA QUÉBEC pour améliorer les conditions de vie des femmes. Le principal produit d'exportation confectionné par les couturières est un sac de coton de bonne qualité à usage multiple portant le logo de l'atelier coopératif, produit qui répond à la sensibilisation de la population, à la protection de l'environnement et au partage des richesses. Depuis 2008, l'atelier confectionne également, pour des associations sans but lucratif, des produits du domaine de la santé et de l'éducation pour venir en aide à la population défavorisée du Guatemala. Le sac MAYAQUÉBEC, vendu 5 $, permet de faire vivre une famille deux jours. En plus de promouvoir le développement personnel des femmes et encourager
leur participation à l'épanouissement de leur communauté, l'argent amassé a permis à deux jeunes filles d'obtenir des bourses d'études.
 
Les écoles construites favorisent l'accès à l'éducation et l'apprentissage des métiers. On tente même d'instaurer des entreprises de commerce équitable pour les fournisseurs de cannelle. Un volontaire de Saint-Elzéar a fourni l'argent nécessaire pour acheter une terre à proximité de la mission. On y cultive un jardin et élève des poules.
 
La vie à la ville est encore plus misérable. L'accès à l'éducation y est extrêmement limité. Les conditions économiques du pays permettent difficilement d'instaurer des mesures protectionnistes. Toutes les actions menées par les équipes de volontaires s'avèrent ainsi autant de grains de lumière et d'espérance dans le sablier du temps afin d'améliorer les conditions de vie des Guatémaltèques.
 

Une vie palpitante

 
Pour Jacqueline, ce séjour au Guatemala traduit une vie trépidante avec ses surprises quotidiennes. «On voit les habitants du pays au naturel et on gagne beaucoup dans nos partages hors des circuits touristiques. Lever matinal, repas en groupe, chantiers, cours d'espagnol, cuisine, entretien: une vie exigeante, mais la sympathie des gens fait oublier bien des inconvénients reliés au manque de ressources et aux conditions de vie locale. Après le travail, il y a des voyages dans tout le pays, l'apprentissage de la langue, la nourriture typique, le climat différent, la culture hispanique et les soirées entre amis. Nous avons même eu le plaisir d'assister à un mariage.»
 
Les visites culturelles occupent les fins de semaine. Jacqueline aura le privilège de découvrir les pyramides mayas de Tikal, à neuf heures de route de Mixco., Elle se rendra, entre autres, il, Rio Dulce où se trouvent des plantations de citronniers et de canneliers, visitera le lago de Izabel et grimpera le volcan de Picaya à dos de cheval, se baignera dans la mer à Monterrico, découvrira le lac Atitlan, l'un des plus beaux au monde, arpentera les rues d'Antigua, ville quasi anéantie par un tremblement de terre en 1773 et classée Patrimoine de l'humanité par l’UNESCO. Tous ces lieux arpentés aident à prendre la mesure du pays, de ses ressources, des marchés colorés, de l'artisanat local, des us et coutumes, de l'âme du peuple.
 
Cette expérience d'aide internationale sera déterminante pour Jacqueline. «Le dépaysement total que l'on connaît à notre arrivée bouscule dare-dare notre petite vie confortable. À mon retour, j'ai constaté à quel point nous sommes choyés au Québec. Les gens sont gâtés et on a l'impression qu'ici notre bénévolat est peu apprécié. On critique beaucoup, pour tout et rien. Là-bas, on perçoit une reconnaissance directe pour nos moindres efforts. Les gens sont contents et le manifestent spontanément La gratitude transfigure dans les sourires et les mercis.»
 

À peine revenue au pays que déjà Jacqueline s'inscrit pour une deuxième mission, cette fois-ci au Pérou et ce, pour un séjour minimal de sept semaines. Elle espère que son rêve se réalisera en 2012. Mais ils sont légion ces volontaires à vouloir vivre de telles expériences de solidarité internationale. La liste d'attente s'allonge au fil des expéditions, car ceux qui reviennent désirent aussitôt repartir… D'ici son prochain départ, elle continuera à promouvoir l'expérience et à amasser vêtements, souliers et articles utiles pour remplir à pleine capacité les conteneurs destinés aux diverses missions de CASIRA.

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