« Désormais, l’avenir détermine le présent »

Diane Morin, La Quête, Québec, novembre 2010

Les faiseurs de sens, les intellectuels (historiens compris), sont devant le défi d'articuler leur discours en 3D (passé présent avenir) pour rendre vraiment utiles leurs précieuses connaissances. Je les presse de se mettre à la tâche sans délai. Il y va de notre avenir.

Cela peut sembler bizarre, pour une fille qui a fait des études d'histoire de proclamer : « Désormais, l'avenir détermine le présent ». L'histoire a le sens qu'on lui donne. Dans les cours d'historiographie et d'épistémologie de l'histoire des années quatre-vingt, nos professeurs ont beaucoup insisté sur les liens étroits qu'entretiennent le passé et le présent et sur l'actualité du passé dans le présent.

En fait, l'État a toujours eu un intérêt pour l'interprétation du passé. Les différents groupes politiques qui prétendent au pouvoir confrontent leurs interprétations pour fonder leur légitimité. De cette confrontation ressortent des visions plus nuancées. Cela était peut-être suffisant au XX siècle, mais aujourd'hui cette dynamique produit de moins en moins de sens. Il manque un élément dans l'équation : l'avenir qui pèse de tout son poids sur nos réalités. L'avenir doit impérativement être pensé. Nous sommes devant un changement de paradigme et la nécessité d'appréhender le monde dans l'ensemble de ses dimensions.

 

Le monde change

 

Notre monde change profondément. C'est tellement vrai que le dire s'apparente à un truisme. Les changements volatiles m'intéressent peu. Par contre, l'inscription dans la durée de tendances nouvelles me passionne. L'identification de leurs renversements qui marqueront la société devient une nécessité absolue, quitte à être ridiculisé pour avoir lorgné du côté de la boule de cristal.

Tous s'accordent pour dire que l'avènement de l'Internet et les avancées technologiques dans leur ensemble ont créé des bouleversements gigantesques dans nos façons de fonctionner. Mais qu'en est-il de l'État et du déclin de l'Empire américain sous nos yeux ? Du sens de la crise financière qui perdure, même si elle est déniée par nos dirigeants ? La crise que connaît la planète depuis deux ans marque la fin de l'ordre mondial d'après 1945. En 1989, le « pilier soviétique » s'est effondré et nous assistons à la décomposition accélérée du « pilier occidental », avec les États-Unis au cœur du processus de désintégration.

Après deux décennies passées à vivre dans le mythe d'une histoire finie dans laquelle notre camp occidental se serait imposé universellement, il nous est presque impossible d'imaginer un monde d'après où les évolutions du jour ne seraient pas déterminées à Washington ou Wall Street, dans lequel l'Anglo-américain ne serait pas nécessairement synonyme de modernité et où le Dollar ne serait plus roi.

Comme dans l'Europe de l'Est d'avant 1989, ni nos médias, ni nos élites ne sont actuellement capables de nous aider à « imaginer l'inimaginable », parce que trop occupés à tenter de nous faire oublier l'inoubliable : les effets socio-économiques dévastateurs de la crise à travers toute la planète. (Franck Biancheri, Crise mondiale : En route pour le monde d'après, Editions Anticipolis, 2010)
 

Crises ou défis ?

 

Les crises et les risques pullulent désormais. Comment, dans un tel contexte, faire des choix intelligents et stratégiques sans se faire berner ?

Par exemple, les changements climatiques modifient notre façon d'appréhender le monde. Et si vous avez des doutes, posez la question à votre assureur. Avec les risques sismiques, ils soulèvent la question des habitats inadéquats. Habitez-vous dans une zone où les normes de construction ressemblent à celles d'Haïti (plus de 230,000 morts et 1,2 million de sans-abri en janvier 2010) ou de la Nouvelle-Zélande (aucun mort lors du séisme de septembre 2010) ? Les autorités de la région de Québec viennent de déclarer que deux hôpitaux doivent être rebâtis et consolidés d'urgence. Y-a-t-il d'autres bâtiments problématiques ? C'est la question que se posent les résidents de Charlevoix et que nous devrions tous nous poser.

Les conséquences des politiques et des catastrophes s'entremêlent. Nous avons impérativement besoin de lumières pour nous montrer les liens qu'ils entretiennent. Par exemple, l'interdiction du voile intégral en France, les inondations au Pakistan, le retrait des troupes américaines en Afghanistan en juillet 2020 Il et les menaces terroristes en Europe. Vous direz que ce n'est pas si important que cela pour des Québécois de savoir que des liens existent. Il est toujours utile de se cultiver ne serait-ce, pour l'instant, que pour la conversation avec votre chauffeur de taxi.

Personnellement, je revendique le droit de penser l'avenir et pas seulement sous le couvert de l'un ou l'autre parti politique. Je veux être outillée pour réfléchir à nos vulnérabilités et choisir des stratégies cohérentes, qu'il s'agisse de l'Arctique ou des gaz de schiste, quitte à passer mon tour à propos de l'honneur du Bonhomme Carnaval !

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