Trop de question sans réponse

Gilles Gagné, Graffici, Gaspésie, novembre 2010

Le gouvernement du Québec semble surpris par le manque d’enthousiasme suscité par l’actuelle  exploration et l’éventuelle exploitation du pétrole et du gaz dans son sous-sol. Ce faible élan, cette méfiance même. S’accentueront aussi longtemps que plusieurs questions demeureront en suspens.

Qu’il s’agisse de forage pour le pétrole ou le gaz de schiste, que la méthode soit l’acidification ou la fracturation, les points d’interrogation s’additionnent au lieu de s’estomper. Il est normal que l’opposition soit forte. Les gens ont l’impression qu’on leur cache des choses, une impression devenant graduellement une certitude.

Les firmes d’exploitation refusent, dans le cas du procédé de fracturation libérant le gaz de schiste, de fournir la liste des produits chimiques utilisés. Des cachotteries caractérisent aussi le procédé par acidification.

Il faut de 8 à 15 millions de litres d’une solution composée à 98 % d’eau, de sable et de moins de 1 % de produits chimiques pour faire remonter le gaz de schiste. La demi de 1% , c’est tout de même 75 tonnes de produits chimiques inconnus, quand on injecte 15 millions de litre de solution. Veut-on voir la majorité de cette masse inconnue se disperser dans le sous-sol, même à 2 000 mètres de profondeur, alors que les firmes d’exploration n’en récupéreront que 25 % ? La question s’applique aussi au procédé d’acidification, utilisé quelques fois en Gaspésie.

La solution remontant à la surface après la fracturation est placée dans un bassin à membrane « étanche ». Plusieurs reportages ont établi que cette membrane est fragile et que ces bassins sont parfois non-surveillés. Le public veut-il courir un risque de déversement ?

Nos usines de traitement d’eaux usées sont-elles capables de traiter des solutions émanant des tests de fracturation ou d’acidification ? Très peu de ces usines peuvent extraire les matières dissoutes dans le bouillon récupéré. Il ira où, ce bouillon ?

La méfiance est aussi alimenter par la volonté de Québec d’exploiter le gaz de schiste. L’État a d’ailleurs confié au Bureau d’audiences publiques sur l’environnement (BAPE) le mandat de mouler des règlements autour de l’exploitation plutôt que de déterminer s’il est bon ou non de soutirer ce gaz.

Cette volonté a choqué les écologistes et d’anciens commissaires du BAPE, inquiets dans une même mesure par le délai extrêmement court de livraison du rapport sur le gaz de schiste. Il doit être déposé le 4 février.

En Pennsylvanie, le développement du gaz de schiste est débridé. Dans l’État de New York, on a imposé un moratoire sur l’exploration, même si les deux états partagent la formation Marcellus, porteuse d’une réserve 10 fois plus importante que celle du Québec. N’aurait-on pas dû s’inspirer de New York, qui veut protéger son eau ?

Le gouvernement de Jean Charest est, de son propre aveu, pressé de contribuer à l’enrichissement du Québec, de créer ici, comme le dit la ministre des Ressources naturelles, Nathalie Normandeau, des emplois payants comme en Alberta. Veut-on comparer notre développement à celui de cette province, qui devra un jour payer une retentissante facture environnementale pour ses sables bitumineux ? C’est sans compter le nombre grandissant de pays boycottant ce pétrole « sale ».

Pour ne  pas répéter des erreurs commises dans le développement éolien, ou bien des gens ont l’impression que leur point de vue comptait peu, il y a des raccourcis à éviter. Le fait de déterminer d’avance qu’il y aura une filière du gaz de schiste au Québec en était un.

Les Gaspésiens, comme les citoyens du centre du Québec, ont vu débarquer sans permission des employés de firmes d’exploration chez eux. Ces méthodes n’ont pas allégé le présent débat. Elles l’ont attisé.

Politiquement, le débat sur le gaz et, dans une moindre mesure, sur le pétrole, semble irrécupérable, comme l’a été la centrale au gaz du Suroît. Néanmoins, le gaz de schiste sera peut-être imposé aux Québécois qui, selon un sondage, sont opposés dans une proportion de 50 % à son émergence.

Depuis l’été, Québec a tenté de calmer le jeu en faisant deux concessions environnementales, le retrait de l’estuaire du Saint-Laurent d’une éventuelle exploration sur les hydrocarbures et l’obligation pour les firmes d’obtenir une autorisation environnementale avant la fracturation ou l’acidification.

C’est bien peu, devant toutes les questions demeurant en suspens. Il faudra répondre à ces questions à la satisfaction de la majorité, et surveiller bien plus étroitement l’industrie.

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