Merci mon Dieu, c’est lundi !

Merci mon Dieu, c’est lundi !, Dominic Ruel, L’indice bohémien, Rouyn-Noranda, novembre 2010

C’est comme ça tous les dimanches soirs, ou presque. Une fois les enfants couchés et la vaisselle faite, j’ouvre mon sac. Je corrige quelques copies, je note une ou deux idées ou je règle les derniers détails de mes cours de la semaine qui vient. J’aime ce moment : la maison est tranquille, la concentration est plus facile. Puis, je vais me coucher, colle ma blonde un peu et m’endors, en passant au lendemain. Et au bout de la nuit, le réveil sonne, il est 6h 30. Je souris, c’est lundi matin.

 

Suis-je normal, docteur ?

 

Le travail a-t-il encore la cote ? J’ai parfois l’impression qu’il est mal vu, suspect même, d’affirmer haut et fort que l’on aime travailler. L’impression que les lundis matins sont devenus des sentences de prison et que la liberté, c’est le vendredi en fin d’après-midi. Pour certains, il me semble, rien n’y fait. Même pas la météo : quand il pleut, on resterait couché; quand il fait beau soleil, on rate une belle journée. Il faudrait donc un ciel variable à longueur de semaine.

 

Que pourrait-on entendre après avoir confié aimer travailler ?

 

« T’es workaholic ? » « T’es à l’argent ? » « Y a tellement d’autres choses à faire qui rendent heureux ! » « Tu ne veux pas prendre le temps de vivre ? »

D’accord, d’accord. Oui, j’aime mes enfants, je m’en occupe de mon mieux, j’aime ma blonde, j’aime passer le temps avec mes amis. Je m’implique ailleurs, je lis. On a plaint bien souvent ces femmes, ces « superwomen » qui peinaient à conjuguer travail, famille et amour. Moi, je veux bien être homme-orchestre et jouer deux, trois partitions en même temps : prof, père, ami, amant. C’est l’équilibre dont j’ai besoin.

Je ne parle pas ici de travailler 70 heures par semaine pour amasser des fortunes (et de ne plus reconnaître ses enfants en rentrant, un soir), mais bien d’aimer ce qu’on fait comme travail. D’en avoir besoin dans sa vie, pour les rencontres, les défis. Les discussions. Pour le bon temps aussi, parce qu’il y en a. Sinon, il faut se remettre en question. Mais malheureusement, trop souvent, les conditions salariales, les programmes de retraite, les vacances ont le dessus.

Si travailler, c’est trop dur, et que voler, ce n’est pas beau, vous comprendrez alors qu’on est dans un joyeux pétrin. Ça prend des sous pour faire la fête et gros lot, ce n’est pas pour tout le monde. On sera très nombreux à pouvoir dire un jour : bye-bye boss ! Et la retraite, pour plusieurs, c’est encore loin, si jamais il reste des dollars dans la caisse. Aussi bien se regarder dans le miroir et se demander : « Suis-je heureux dans ce que je fais chaque jour ? »

La société des loisirs, promise il y a 40 ans, est un mythe, et le restera. C’est une invention des boomers. On y croyait vraiment. Les  machines étaient de plus en plus productives, les hommes aussi, et bientôt le seul travail des gens aurait consisté à presser leurs petites télécommandes afin que des robots réalisent les moindres tâches qui leur causaient autrefois tant de tracas et de stress. Une chimère !

Ouf ! J’ai tiré dans tous les sens et je ne sais plus si vous suivez encore…En passant, le docteur m’a dit que j’étais normal et peut-être chanceux. Chanceux d’avoir eu jusqu’à maintenant une vie qui m’a permis de choisir et de pratiquer un métier que j’adore et qui me passionne. C’est peut-être la meilleure des fins pour cette fois-ci.

classé sous : Non classé