En plaques : Le combat de Lucie

Christine St-Gelais, Le Trait d’Union du Nord, Fermont, le 18 octobre 2010

Le 4 octobre dernier, Lucie Séguin, Fermontoise depuis plus de 15 ans, s’est envolée pour la seconde fois en quatre mois vers la Bulgarie, plus précisément à l’hôpital Tokuda de Sofia. Elle allait rencontrer ses médecins, les Dr Lachezar Grozdinski et Ivo Petrov, pour un suivi post-opératoire, un suivi « post-libération ».

Lucie est atteinte de sclérose en plaques. Bien qu’elle ait été diagnostiquée en janvier 2009, ses premiers symptômes sont apparus soudainement en juillet 2007. Elle souffre de la forme la plus courante de SP, c’est-à-dire de la forme cyclique (des poussées suivies de rémissions). Certains symptômes sont toutefois désormais permanents dans la vie de Lucie : elle a beaucoup de difficulté avec son équilibre et ressent une faiblesse marquée dans sa jambe droite. Avant juin 2010, elle éprouvait aussi une grande fatigue et elle qui était une grande randonneuse devait limiter ses marches à trente minutes ou moins.

Le 25 novembre 2009, alors en année sabbatique au Mexique, la vie de Lucie bascule à nouveau : une percée majeure vient d’être effectuée par l’équipe du docteur Paolo Zamboni en Italie, redonnant espoir à tous ceux vivant avec la SP. Une simple intervention vasculaire permettrait de stopper la progression de la maladie et même d’atténuer les symptômes déjà ressentis par les patients.

La maladie
 

La sclérose en plaques a toujours été considérée comme une maladie neurologique de typo auto-immune, c’est-à-dire une maladie qui est due à une hyperactivité du système immunitaire qui s’attaque à des substances ou des tissus normalement présents dans l’organisme. Dans le cas de la SP, la gaine de myéline entourant le système nerveux central est attaquée par le système immunitaire, ce qui fait que les signaux se rendant au cerveau sont ralentis, puis progressivement complètement rompus. Les symptômes sont nombreux (perte d’équilibre, fatigue, troubles de vision, paralyse, etc.) et varient d’une personne à une autre.

 

Un nouvel espoir

 

Toutefois, avec les recherches effectuées par Paolo Zamboni, la cause de la SP serait tout autre : d’une maladie auto-immune dont on ne connaît ni les causes ni un traitement adéquat, on parlerait désormais d’une maladie vasculaire, avec de possibles origines congénitales. Les veines jugulaires (dans le cou) ainsi que la veine azygos (située dans le thorax) chez les patients atteints de SP seraient partiellement ou complètement bloquées, ce qui ferait en sorte que le drainage sanguin du cerveau est déficient. Cette mauvaise irrigation créerait des dommages au cerveau par l’infiltration et l’accumulation de substances toxiques (principalement du fer) dans les tissus cérébraux. Cet état s’appelle « l’insuffisance veineuse céphalorachidienne chronique », ou plus simplement « IVCC ». Il peut être corrigé par une courte intervention sous anesthésie locale, une angioplastie, intervention qui consiste à insérer un cathéter dans les veines jugulaires et azygos et d’y faire gonfler un petit ballonnet afin de les débloquer. L’intervention dure entre une heure et deux heures trente et deux nuits passées à l’hôpital par la suite sont nécessaires afin de s’assurer que tout va bien.
 

Un grand souhait
 

Cette intervention n’est toutefois pas encore disponible ici (bien que des essais cliniques sur un très petit nombre de personnes atteintes de SP viennent d’être annoncés au Centre Hospitalier Universitaire de Sherbrooke). Les patients souhaitant vivre la libération (nom donné à l’intervention) doivent se rendre à l’étranger et débourser entre 10 000 $ et 25 000 $ afin d’être traités. Seul un petit nombre d’hôpitaux dans le monde offrent, encore à ce jour, la libération. L’hôpital Tokuda de Sofia est un de ceux-là.

Dans un entretien avec Lucie Séguin, celle-ci a confié au Trait d’Union du Nord avoir ressenti de grands bénéfices liés à sa libération. Certes, ses symptômes ne sont pas tous disparus – les dommages au cerveau sont irréparables – mais ils se sont tout améliorés de l’ordre de 50 % à 60 %. Elle a même réussi à prendre une marche d’une heure quinze minutes récemment ! Aussi, tous ceux qu’elle connaît qui ont subi l’intervention ont vu leur état s’améliorer grandement et tous peuvent, pour l’instant, se passer de traitements modificateurs de l’évolution de la SP.

On la sent infiniment reconnaissante envers toute l’équipe médicale qui s’est occupée d’elle en Bulgarie. Dans une lettre adressée à l’équipe médicale bulgare, elle écrit : « Je veux remercier de tout cœur le personnel de l’hôpital Tokuda et les médecins qui m’ont traitée et qui font preuve d’une compassion sincère. Merci ! »

Lucie s’est désormais investie d’une mission : celle de rendre la libération disponible et légale au Canada afin que toutes les personnes atteintes de SP puissent en profiter sans avoir à sortir de leur pays. Les recherches de l’équipe de Zamboni ont été effectuées sur un petit nombre de personnes, ce qui refroidit un peu l’ardeur de la communauté scientifique internationale, mais toutes ont vu leur état s’améliorer.

De plus en plus de voix s’élèvent dans le monde afin de réclamer des études et la possibilité de vivre la libération. Au Canada, les normes en santé sont parmi les plus sévères sur la planète : c’est pourquoi cette intervention n’est pas encore légale ici. Des essais cliniques se préparent, mais tout avance à pas de tortue.

Pour faire avancer la cause, Lucie a créé son propre blogue www. luxi100.blogspot.com où elle raconte sa vie pré et post-libération. De plus, elle effectuera bientôt la traduction vers le français d’un site internet sur l’IVCC créé par un homme de la Colombie-Britannique dont la femme souffre de SP (www.reformedms.org). Elle souhaite que le Canada et les États-Unis poussent encore plus loin la recherche sur l’angioplastie et sur des techniques pour maintenir les veines ouvertes par la suite. Parce qu’elle veut aller mieux. Mais aussi parce qu’elle veut que tout ceux vivant avec cette terrible maladie aillent mieux : « J’ai très hâte que le monde médical canadien ouvre ses portes à la libération pour nous redonner notre vie ! »

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