Nous sommes tous louisianais !

Réal Boisvert, La Gazette de la Mauricie, Trois-Rivières, le 23 juin 2010.

J’étais dans le stationnement en attente de ma conjointe, partie faire une course chez Métro. À la radio, un reportage sur la marée noire qui a envahi le Golfe du Mexique. Le journaliste rend compte du désastre. Les nappes de pétrole souillent les plages de la Louisiane, asphyxient les marais, empestent l’air ambiant, tuent la flore et la faune. Toute la faune. La faune terrestre, ailée ou aquatique. Et puis les nappes privent des milliers de pêcheurs de leur gagne-pain. Elles les condamnent au désespoir dans une atmosphère de fin du monde.

Je me sentais le plus impuissant des hommes. J’étais condamné à écouter ce reportage depuis ma voiture, avec sous les yeux le spectacle d’un immense boulevard qui charrie son flot ininterrompu de véhicules. La marée était là, devant moi, avec ses millions de litres de pétrole. Une marée invisible bien cachée dans les réservoirs à essence. Un mélange visqueux qui ici nous tue à petit feu et qui là-bas, ruine tout un monde.

Je pensais à John Kennedy qui déclarait à Berlin en 1963 : « Ich bin ein Berliner. » Je suis Berlinois, disait-il, quand je vois le mur que les Soviétiques ont érigé autour de la ville. Ce mur est une offense à l’histoire et à l’humanité, enchaînait-il. Tous ceux et celles qui luttent pour la liberté, tous les hommes libres, où qu’ils soient, sont citoyens de Berlin-ouest. De la même façon, ce grand malheur qui afflige aujourd’hui le peuple de la Louisiane, c’est aussi le mien. Ce désastre est universel. La Louisiane c’est moi, c’est vous, parce que ce sont nos semblables qui souffrent et parce que nous partageons totalement leur souffrance.

Si le mur de Berlin est finalement tombé, j’ai la conviction que la Louisiane va finir, elle, par se relever. Et alors, avec elle nous serons de plus en plus nombreux à nous tenir debout devant l’incurie de notre civilisation.

Parce que la Louisiane, c’est nous !
 

classé sous : Non classé