Olé ! Olé ! Olé ! Olé !

Pierre Routhier, Le P’tit Journal de Malartic, 18 mai 2010

Du temps où la télé fonctionnait avec des oreilles de lapin ou avec une antenne bancale jouquée sur le toit de la maison, que les images généralement enneigées n’étaient qu’en noir et blanc et que le choix des stations sur la roulette se limitait à un seul poste francophone, les samedis soirs étaient réservés à la seule vraie réunion familiale de la semaine. Nous nous agglutinons tous sur le sofa du salon pour la diffusion sacrée de la Soirée du Hockey, à Radio-Canada.

Je me souviens que les joueurs de l’époque ne portaient pas de casque et que les gardiens de buts commençaient à peine à utiliser les masques de protection.

Mon intérêt pour la chose se limitait cependant au bonheur que j’éprouvais de nous savoir tous réunis par une activité rassembleuse. Nous étions des partisans des Canadiens et les ennemis à abattre les Bruins de Boston. Rater la finale de la Coupe Stanley frôlait le sacrilège alors qu’Henri « Pocket » Richard portait fièrement le « C » sur son chandail en vraie flanelle et que René Lecavalier commentait les parties en roulant ses « r » et en utilisant une qualité de langage qui nous était complètement étrangère.

C’est d’ailleurs la façon de parler de ce petit homme à moustache qui m’impressionnait le plus dans ce rendez-vous hebdomadaire. Alors que les joueurs francophones avaient de la difficulté à composer une phrase complète sans virgule, René Lecavalier utilisait des mots et une façon de s’exprimer qui dépassaient de beaucoup les meilleures homélies du curé de la paroisse.

Alors que ce sport réunissait l’ensemble de la couche populaire derrière une même soif de victoires et que les « moé » et les « ils sontaient » étaient d’usage courant, monsieur Lecavalier vouvoyait tout le monde et se servait des temps de verbe à la perfection et d’une syntaxe exemplaire sans jamais bafouiller ou devoir se reprendre.

Si plusieurs regardaient la Soirée du Hockey avec une bière à la main, moi j’avais plutôt un dictionnaire pour m’aider à découvrir toute la palette de connaissances de la langue du commentateur.

Mes souvenirs de cette tranche de l’histoire de notre sport national se limitent à quelques images telles que celles des spectateurs du Forum qui étaient toujours endimanchés avec cravates, chapeaux et coiffures des grands jours ou bien des pauses publicitaires de la compagnie Esso, l’enseigne de confiance.

Monsieur Lecavalier c’était un jour adjoint un ancien joueur des Canadiens à titre d’analyste, un dénommé Gilles Tremblay qui peinait à suivre la description du match, mais qui apportait un regard de l’intérieur aux exploits qui se multipliaient sur la patinoire.

Grâce à eux deux, nous pouvions suivre tout le déroulement et l’ambiance d’une partie sans devoir ouvrir les yeux. Ils employaient un langage radiophonique pour une diffusion télévisuelle. C’est à ce moment que j’ai découvert que Laveuglette n’était pas un joueur des Canadiens quand René Lecavalier disait : « Et voici une passe à l’aveuglette ».
 

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