Bachand, révolutionnaire, conservateur,

l’équipe du journal, Entrée libre, Sherbrooke, avril 2010

Le 30 mars dernier, le ministre des finances du Québec, M. Raymond Bachand, déposait son budget. Au programme, hausse des tarifs des services publics tous azimuts, du prix de l’électricité aux frais de scolarité, avec en prime un nouvel impôt santé à montant fixe, sans oublier une augmentation de la TVQ et de la taxe à l’essence.

En contrepartie, les grandes entreprises sont largement épargnées, au point où le Conseil du patronat, dans un élan d’enthousiasme, a encouragé le gouvernement à « poursuivre résolument dans cette direction ». Au final, ce budget propose un modèle moins progressif et remet fortement en question les valeurs de solidarité sociale et de recherche du bien commun mises de l’avant dans la belle province depuis la Révolution tranquille. Autrement dit, il s’agit d’une attaque en règle envers la classe moyenne et les citoyens à revenus modestes, au profit des grandes entreprises et des plus riches.

Du côté du gouvernement, cette orientation idéologique est pleinement assumée. Bachand va jusqu’à qualifier l’opération de « révolution culturelle », faisant ainsi écho à la grande révolution culturelle prolétarienne chinoise qui se voulait porteuse d’un changement de mœurs radical. Mais au-delà de l’image de rupture qu’inspire une telle comparaison, pouvons-nous établir un parallèle quelconque entre ces deux événements ?

 

Révolution chinoise

 

La révolution chinoise de Mao Tsé-Tung débuta en 1966. En théorie, elle visait à renverser l’idéologie bourgeoise, à implanter l’idéologie prolétarienne, à consolider le développement du système socialiste, tout en s’opposant à la voie capitaliste. Dans la pratique, elle a conduit le pays au chaos et à la violence. Est-ce à ce type de révolution qu’a pu vouloir faire référence M. Bachand ? Soyons sérieux. Sur le plan théorique, le budget de Bachand et l’orientation de son gouvernement souhaitent plutôt renforcer les pouvoir des mieux nantis au détriment de l’ensemble de la population, en se drapant d’un pragmatisme économique. Sur le plan pratique maintenant, Bachand ne souhaite certainement pas nous faire vivre les terribles excès des Gardes rouges.

 

Révolution conservatrice

 

Un rapprochement historique plus naturel et plus révélateur de la réelle teneur du budget 2010 et de l’orientation qui s’en dégage serait avec la révolution conservatrice des années 1980. Guidée par Ronald Reagan aux États-Unis et Margaret Thatcher au Royaume-Uni, elle fut marquée par des baisses d’impôts, d’importantes privatisations, et la réduction de l’apport du gouvernement. D’ailleurs, Thatcher avait imposé un impôt par tête jugé très inégalitaire, similaire à l’impôt santé de Bachand, et qui avait causé sa perte politique. Bref, le lien est direct. Mais il faut comprendre Bachand de ne pas s’y être référé : parler de « révolution conservatrice », ce à quoi nous assistons réellement, n’a rien de sexy au Québec, d’autant plus pour un gouvernement en manque d’appui populaire.

 

Modèle néolibéral

 

Pour en revenir à cette comparaison boiteuse avec la révolution culturelle chinoise, rappelons que celle-ci souhaitait marquer une rupture avec le passé. Ici, nous assistons plutôt à l’affirmation du modèle néolibéral prôné par une multitude d’acteurs politiques depuis plusieurs années, de Lucien Bouchard à Jean Charest, sans oublier Mario Dumont et André Boisclair. Ainsi, ce budget est un point marqué par les « lupides », ces lucides-cupides, au détriment des solidaires et autres tenants du modèle québécois. À n’en point douter, le gouvernement Charest tentera par tous les moyens de gagner cette guerre idéologique, entre autres en abusant de l’arme la plus puissante disponible au sein des démocraties : la propagande, à coups de dispendieuses publicités via les médias de masse. Parions que même les médias écrits communautaires n’y échapperont pas …

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