Rencontre avec la poésie

Jocelyne Annereau Cassagnol, Le Sentier, Saint-Hippolyte, février 2010
 

Hélène Dorion arrive, frêle et menue, souriante. À peine assise la flamme de son regard vous subjugue. Il n’y a pas ou très peu de préambule. Elle parle et immédiatement sa voix vous atteint au cœur.

Elle est venue m’entretenir de son dernier essai, mais elle me parle en réalité de sa passion pour le vrai, l’authentique, de son attachement pour la Terre, de sa foi en l’être humain, « être de liens » Sa fougue est contagieuse et soudain le monde s’embellit devient lumineux comme son écriture.

Avec sa sensibilité hors du commun, son intensité poignante, sa poésie épurée, cette auteure prolifique, sous une vingtaine des titres, nous fait partager sa réflexion personnelle et intime, de façon assidue, depuis 25 ans.

 

« L’étreinte des vents »

 

Il s’agit d’un récit, le deuxième d’Hélène Dorion. De prime, d’abord, il s’agit d’un récit sur l’amour, la rupture, le questionnement sur l’amour et ses limites. Mais Hélène Dorion, éprise de profondeur nous entraîne bien au-delà.

 

« Nous sommes des êtres de liens »

 

Être seul et relié, quel paradoxe, mais nous vivons ainsi, connecté à nous-mêmes, aux autres et aux paysages. Elle a choisi une île comme métaphore. « On est une île, sur un archipel, rattaché aux autres îles par des ponts. Il faut comprendre l’autre et la prison dans laquelle il est pour ensuite parvenir à lui tendre la main. »

Se relier à nous-mêmes, c’est retourner à la spirale de notre enfance qui nous teinte pour toujours. C’est aussi accepter de regarder à l’intérieur de soi pour voir « la dérive des continents » pour entrapercevoir les changements.

Dans l’Éternité des Ventes, les paysages revêtent une grande importance, car ils reflètent la dimension intérieure. Tout comme à la suite d’un cataclysme la nature revit, l’être humain se réinvente.

 

« Les ruptures nous aident à rebâtir »

 

D’emblée on sent bien qu’il ne s’agit nullement de victimisation. « Les choses dont nous faisons l’expérience ne sont ni plus ni moins que le miroir de ce que nous sommes intérieurement. » Se réclamant de la philosophie quantique, elle apparaît convaincante dans sa superbe foi dans la vie, et d’une grande sagesse. Ne possédant souvent qu’un fragment du destin, il faut se montrer patient, laisser à la vie le temps de nous révéler la figure complétée. Pour cela, il faut faire confiance au temps, à notre capacité de relier les choses et les êtres.

Les ruptures nous confrontent, nous amènent à découvrir des zones d’ombre, des faiblesses et des forces que nous ignorions. Si, courageusement, nous traversons la douleur, l’absence, le silence, la peur de l’inconnu, finalement nous parvenons à rebâtir et à évoluer. On est porteur de certaines failles qui peuvent être sources de richesses.

Nous réussissons alors à « honorer notre passé », à le porter en dedans de nous, à en faire un accompagnement de notre solitude féconde en conservant le meilleur des personnes disparues et de notre lien avec elles.

Comme on le voit, Hélène Dorion nous permet de transposer aisément cette situation de fracture amoureuse au deuil, à l’exil et à toute autre séparation que la vie nous impose, « Ce que j’ignore de moi-même est aussi intéressant que ce que j’en sais. L’écriture me guide vers cette ignorance. Les mots me révèlent. »

Son livre suscite des reconnaissances, interpelle le lecteur, fait réfléchir et provoque tout un remous d’émotions. L’entretien est terminé, elle se lève. Elle n’a pas encore enfilé son manteau que déjà vous regrettez sa présence.

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