L’information qui bat de l’aile

Jean-Guy Roy, La Gazette de la Mauricie, Trois-Rivières, 30 janvier au 23 février 2010

Le monde bouge sans cesse, rapidement, très vite même. D’un bout à l’autre de la planète l’histoire du monde s’écrit au rythme des médias. À tous les jours, nous sommes bombardés de tout côté par l’information. À la vitesse de l’éclair, la nouvelle circule à travers le monde. Les chaînes spécialisées nous présentent en boucle, images, reportages en direct et témoignages qui font la nouvelle du jour. À l’ère du cyberespace et de la multiplication des chaînes radiophoniques et télévisées de toutes sortes, on peut s’interroger à juste titre de la qualité de l’information diffusée à profusion.

L’information serait-elle devenue un produit de consommation ? Dans son dossier Média et Information, l’IRB (Indicatif Relatif de Bonheur) répond assez clairement à cette question. Dans son enquête, pour la majorité de la population (60 %), « l’information et les nouvelles sont devenues des produits de consommation ». De plus en plus de gens mettent en doute la pertinence et la justesse de l’information diffusée sous toutes ses formes. Plusieurs accusent même les médias de déformer la réalité, de monter en épingle certains événements, de tomber facilement dans le sensationnisme. La cote d’écoute ou la vente du journal sont parfois à ce prix. Le jour où l’information devient un produit commercial, la nouvelle n’est plus la même, l’angle de présentation risque de déformer le factuel.

Nous venons de le vivre pathétiquement avec la pandémie apparemment vaincue de la grippe A (H1N1). Dans ce cas-ci, certains observateurs parlent de démesure et carrément de campagne de peur à laquelle ont succombé les médias énergivores d’audience. De nombreux médias d’informations ont cédé, contribué même au vent de panique, provoqué disons-leaussi par des expertises et des consignes gouvernementales confuses et chaotiques. Le devoir de retenue, de prudence aurait été de mise. L’enquête de l’IRB démontre assez clairement un glissement de la crédibilité et de la confiance envers les médias. Le monde des médias a été chamboulé au cours des deux dernières décennies. La concentration et la convergence semblent être deux mots clés de ce monde médiatique, bousculé par l’apparition sans fin de nouvelles technologies de diffusion. En effet, les nouvelles technologies ont le vent en poupe. Les médias électroniques ont, en fait, profondément changé la nature de l’information et la perception qu’en a le public.

Dans ce monde médiatique marqué par l’image et l’émotion que transmet-on réellement à la population ? Les images diffusées à profusion ne révèlent-elles pas, plus souvent qu’autrement, l’apparence des choses que leurs raisons profondes ? Nous l’avons vu pertinemment avec l’invasion en Irak. Pour leur part, les reportages en direct ne tendent-ils pas à cultiver indûment l’émotion à fleur de peau ? L’information dite « continue » et souvent répétitive ne correspond-elle pas trop souvent au souci de capter l’audience plus qu’au besoin de dire quelque chose de nouveau. Nous savons tous pertinemment que le droit et la loi ne suffisent pas à garantir une information fiable. L’information médiatique doit répondre d’abord et avant tout à des critères de qualité et d’éthique. Ne l’oublions jamais, le citoyen a des besoins qui dépassent largement ceux du consommateur prêt à engouffrer avidement un « produit d’information ». Fondamentalement, l’information proposée ne peut, si elle veut être crédible et pertinente, esquiver sans retenue le fondamental respect du public. L’économiste et sociologue Alfred Sauvy disait : « Bien informés, les hommes sont des citoyens, mal informés ils deviennent des sujets ». À bon entendeur, salut !
 

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